portrait
Pour certaines personnes, et Tom Cochrane en est témoin, “la vie est une autoroute”. Vous commencez au début, finissez la fin, et chaque arrêt en cours de route est parfaitement planifié et ne dévie jamais. Pour d’autres, comme Laura Gertenbach, ça ressemble davantage à un chemin sinueux à travers l’inconnu. De l’hôtellerie à la logistique de la chaîne du froid, des sacs en cuir au secteur médical, Laura a connu une grande variété d’expériences qui l’ont amenée à fonder et à diriger Innocent Meat aujourd’hui.
Horizons illimités
En 2006, Laura obtient un BA en gestion du tourisme et des loisirs à l’EU Business School. “Je voulais voyager, donc je voulais un métier qui me permette de voyager”, confie-t-elle.
Au même moment, elle travaillait dans un hôtel à Barcelone, et c’est là que son rêve a heurté la réalité. Même si elle aimait conseiller les clients sur les meilleurs restaurants et activités que la ville avait à offrir, hors des sentiers battus, Laura en avait assez de suivre constamment la même routine.
Après quelques changements de carrière et 3 ans à Barcelone, elle a décidé qu’il était temps de rentrer à Rostock, en Allemagne, où elle allait découvrir que même à la maison, vos horizons sont seulement limités par les objectifs que vous vous fixez. Elle a repris une formation en technologies de l’information, avec une spécialisation dans le Machine Learning.
Ses professeurs n’ont peut-être pas cru en elle au début, mais Laura a compris l’intérêt d’apprendre les techniques IT pour sa propre carrière, et rien n’allait la décourager. “J’ai toujours été mauvaise en maths”, a-t-elle admis. “Il faut être très discipliné, mais ce n’était pas si difficile. J’ai compris que je pouvais vraiment penser logiquement, et ça tout le monde peut le faire. Il suffit de s’appuyer sur la magie des maths !”
Partir de zéro
“Partout où j’ai essayé d’être employée, j’ai été virée”, a déclaré Laura avec un sourire. “Je suppose que c’est parce que je voulais vraiment avoir ma propre entreprise”. En octobre 2013, elle a discuté avec son père pour réfléchir à ce qu’elle pourrait faire.
Rostock se trouve dans l’est de l’Allemagne, dans ce qui était autrefois la RDA. Ainsi, le père de Laura n’a pas eu d’autre choix qu’être agriculteur. Mais il avait un esprit d’entrepreneur, ce qui l’a plus tard amené à développer des sociétés immobilières, et il a visiblement transmis cet esprit à sa fille.
En feuilletant un magazine, Laura est tombée sur une page montrant des sapins de Noël. “J’ai dit, Hé, tu sais quoi ? Je pourrais faire ça”, explique t-elle. Mais son idée ne s’est pas simplement arrêtée à vendre des sapins de Noël. Ayant déjà une expérience en logistique, elle décide de marier les concepts et crée sa première entreprise, Gustaafs. Les clients peuvent venir choisir leurs sapins ou les commander en ligne, et l’équipe s’occupe du transport et de la logistique pour l’amener à la porte des clients.
Développer l’entreprise
Après l’ouverture de Gustaafs, les clients de Laura ont commencé à exprimer leur désir d’un service plus large. Qu’est-ce que Noël sans dîner de Noël, après tout ? Comme sa famille exploite une ferme, cela semble être une étape logique !
“En Allemagne, le canard est très traditionnel pour Noël. Alors, j’ai trouvé un fermier local et j’ai commencé à proposer de la volaille et du canard”, se souvient-elle. “C’est ainsi que ma deuxième entreprise est née”. Oberlecker, qui se traduit approximativement par “Mega Yummy” selon Laura, était un nouveau challenge construit sur la même base logistique solide.
N’étant pas bouchère, Laura s’est retrouvée à apprendre à la volée comment gérer les animaux de la ferme jusqu’au client final. “Je teste toujours en premier, ensuite je lance”. C’était donc à elle de s’occuper de l’acheminement des animaux à l’abattoir et de choisir les morceaux de viande qu’elle fournirait à sa clientèle exigeante.
“Je voulais m’adresser aux clients premium. Et ceux-ci ont généralement une bonne connaissance des coupes spéciales. Le problème, c’était les bouchers. Je ne voulais pas conduire les animaux à deux heures de route, car cela a un effet sur la qualité de la viande. Chaque fois que je voulais produire plus, il n’y avait soit pas de boucher, soit pas d’animaux”.
La solution de culture
En 2017, Laura a commencé à lire à propos de la viande de culture, un type d’agriculture cellulaire où les cellules animales sont produites in vitro. “Je pensais que cela résoudrait vraiment le problème dans mon entreprise. C’était une approche pragmatique”. Même si son objectif n’était pas de sauver le monde, elle admet : “Cela a un impact positif si vous le faites correctement, si vous configurez le processus d’achat de la bonne manière”.
Innocent Meat, la troisième entreprise de Laura, est centrée sur la viande de culture. Mais ayant expérimenté à quel point il peut être difficile de placer ses articles dans les supermarchés, cette société est strictement B2B. “Nos clients sont les bouchers. Ils n’embauchent pas de bioscientifiques ou d’ingénieurs. Ils veulent juste récolter la viande et en faire de bons produits”.
Quant à l’assurance de qualité, elle confirme : “Nous ne divulguons jamais le processus. Nous mettons de la technologie dedans, surveillons toute la production et la qualité”.
L’avenir de l’alimentation ?
L’avantage majeur de la viande de culture, c’est sa valeur nutritionnelle. “Prenez les Oméga-3, c’est très difficile à obtenir quand vous élevez des animaux. Vous pouvez améliorer le profil de cette viande. Cela dépend de la façon dont vous nourrissez les cellules, et de ce que les cellules peuvent absorber et exprimer”.
Ça fonctionne aussi pour la vitamine B12, que les animaux au pâturage ingèrent naturellement lorsqu’ils absorbent de la terre et du cobalt. Pour les humains, la plus grande source de B12 provient de l’ingestion de ces animaux. Cela peut donc aider à créer un profil vitaminique plus équilibré pour les personnes n’ayant pas accès à ces protéines autrement, par exemple dans les zones où le pâturage n’est pas possible.
En revanche, Laura n’envisage pas vraiment de s’adresser aux végétariens ou aux vegans dans l’itération actuelle des produits Innocent Meat. “Nos cibles ne sont pas les végétariens. La cible de nos clients sont les amateurs de viande”.
Selon elle, ce n’est pas une alternative végétale à la viande : c’est juste de la viande. Et cela lui a permis de vraiment se connecter à des initiés de l’industrie de la viande, pour partager ses problèmes et ses solutions.
Quant à l’avenir de la viande de culture, ce n’est pas la technologie qui la retient, c’est le manque d’infrastructures. 250g de viande de culture peut coûter aujourd’hui 40€, alors qu’il y a quelques années à peine, ce chiffre était plus proche de 250 000€. Avec un peu plus d’investissement, Laura envisage une option plus accessible et saine pour les consommateurs.
Un dernier conseil
Sur son chemin sauvage et sinueux à travers l’inconnu, Laura a pu glaner beaucoup de connaissances en cours de route, et elle est heureuse de partager ce conseil : suivez toujours votre propre chemin.
Vous trouverez beaucoup de personnes qui vous diront que vous ne pouvez pas faire quelque chose, mais bouchez-vous simplement les oreilles. Parfois, c’est un chemin solitaire, mais à la fin, vous rencontrerez des personnes partageant les mêmes idées. Et ensemble, vous pouvez le faire !
Suivez toujours votre propre chemin
Laura Gertenbach
Alumni EUBS